Bonjour…

Cette semaine, j’ai commencé un stage en structure médicalisée.*
Je suis passée du statut de patiente (ou simple visiteuse) à celui de soignante, pour la première fois de ma vie.
Après 2 ans de formation, ma tête est remplie de belles théories et mêmes de douces illusions, qu’il va falloir traduire en pratique.
Nantie de mes belles tenues blanches plus ou moins à ma taille, j’ai donc commencé ma découverte de l’envers du décor.

Comme dans beaucoup d’autres situations, je pense qu’il faut vivre une hospitalisation pour comprendre ce que c’est que d’être véritablement un patient.

Et le mot est parlant : un patient attend.
Il attend qu’on le prenne en charge,

Il attend ses résultats,
Il attend l’avis du médecin,
Il attend sa sortie,
Il attend de guérir.
Il attend ses visites, son repas, que quelqu’un lui parle.
Il attend quelqu’un ou quelque chose, continuellement.

Un soignant, quel qu’il soit, est là pour accompagner et… soigner.
Rassurer aussi, souvent.
Parce que l’attente est quelque chose qui peut facilement faire peur, lorsqu’une vie, un corps, est en jeu, le nôtre ou celui d ‘un proche.

Je n’avais absolument aucune idée de la façon dont j’allais apprivoiser ce monde, mise à part avec mon sourire et ma motivation.
On m’a demandé si j’étais sensible, j’ai dit oui, et on m’a donc envoyé en Cancérologie la première semaine.
Tout va bien.

Un hôpital, ça tourne 24h/24, chaque jour de l’année.
Le temps est donc une denrée rare et précieuse.

Vestiaires, tenue immaculée, badge.
Lavage des mains, carnet, stylos.
On imprime le listening de la journée.
Ascenseur, marche, escaliers, premier service.
On va vite.
On essaye de voir le plus de patients possible, d’y consacrer le temps nécessaire.
De prendre soin de leurs corps, de leurs envies, de leurs besoins et de leurs sourires.
De leur apporter un confort supplémentaire.
On rajoute au passage les imprévus, les urgences.
Ascenseur, second service.
On tente de manger entre deux.
Et on reprend notre danse.
Inlassablement.

Je suis là, silencieuse la plupart du temps, je tente de les rassurer de mon sourire ou des plissements de mes yeux derrière le masque pour ceux du secteur stérile.

 

Thérèse* est allongée, ses jambes nues à peine recouvertes d’un bout de couverture.
Elle a une main sur le front, s’agite, et ne se rappelle pas de notre précédente visite.
Ne veut pas s’en rappeler.
Elle ne veut rien savoir.
Elle sait juste qu’elle ne supporte pas l’hospitalisation. Et le reste.
Elle s’agrippe à nos blouses, elle ne veut pas qu’on parte.
Elle ne veut plus jamais revenir.
Dans son regard transpire sa peur.
On lui explique doucement ce qu’on peut faire pour elle.
Si peu. Mais ça peut l’aider.
Son regard se perd dans le vague, mais elle rajuste doucement sa couverture et se redresse un peu.

 Et parfois, c’est eux qui nous rassurent.

 Giselle* est fine.
Tellement fine qu’on a envie de l’envelopper dans du coton pour ne pas qu’elle se casse.
Aussi gracieuse qu’une danseuse dans ses gestes.
Assise dans son fauteuil, son plateau déjeuner devant elle, elle nous sourit et nous parle d’une voix si fluette qu’on tend l’oreille.
Elle n’arrive plus à manger depuis trop longtemps.
Elle est belle, elle se tient droite, elle nous regarde droit dans les yeux. Ses boucles d’oreilles sont assorties à son collier et à son chemisier, dans des tons chauds.
Elle accepte toutes nos propositions d’un sourire doux.
Elle dégage un océan de douceur.

Oncologie

*Pour des raisons évidentes de confidentialité, je ne mentionnerais pas mon lieu de stage, et chaque nom a été modifié.

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Malou
Malou
9 années il y a

C’est raconté de manière si émouvante …
Je n’en doute pas, tu feras une excellente soignante, continue de sourire.
Bon courage pour ce stage en Onco..
Des Bisous.

Degallaix - Milite Florence
Degallaix - Milite Florence
9 années il y a

Oups … tellement vrai. Vouloir mais parfois ne pas pouvoir. Rester dans l’impossibilité de faire et pourtant tellement le vouloir. Bienvenu dans le monde du travail avec l’humain. Courage ma Solange.