La Nostalgie du Carton

Ce soir…
Mes doigts effleurent l’étagère, un léger souffle de poussière s’envole.
Je ne me rappelle plus la dernière fois où j’ai passé tendrement un chiffon doux sur toutes ces petites choses précieuses qui ont constitué mon univers pendant plus de 15 ans.
Je dois choisir celles qui continueront avec moi, et ranger délicatement les autres dans tous ces cartons blancs que je déteste.
Ils me déracinent, emporte tous ces petits bouts d’amours précieux à mes yeux vers une ville à l’horizon inconnu.
Ce soir, la Nostalgie me met sous les yeux le film de mes  souvenirs.
Le cheminement de la préadolescente timide devenue presque  femme.

 

Ma première pochette a dessins, d’un format totalement impromptu, dont l’aquarelle se délave, et qui contient un cadeau d’anniversaire que je n’ai jamais pu donner.
« Tu ferais planer un aveugle avec ces dessins, n’abandonne jamais. » disais-tu. ♥
La pile de converses usées jusqu’à la corde, qui ont portés mes pas sur des chemins étonnants, qui portent encore la marque de mes coups de crayons colorés.
Des tickets de cinéma, de métro et de tram par dizaines, symboles de mes voyages réels et imaginaires.
La collection des billets SNCF de toutes les grandes lignes que j’ai parcourues depuis 10 ans, et qui a emporté un petit morceau de mon cœur sur ses rails d’acier.
Les deux cactus d’une ancienne vie lilloise qui ont survécus contre toute attente, aussi tordus et piquants que les épreuves que j’ai affrontées.
Des robes à volants, et quelques ballerines usées, encore pleines de grâce et d’élan, qui me donne envie de m’élancer sur une piste de danse, encore et encore.
Des toiles blanches, grises, peintes ou pures, de toutes les tailles, qui attendent encore mon pinceau.
De la peintures, des bombes, des feutres, des gommes usagées en vrac.
Des livres aux pages cornées amoncelés sur la soupente, qui m’ont usés les yeux et fait rêver.
Des peluches, un parfum, une statuette en bois sculpté, des boites peintes, des fleurs séchées.

Le parfum de l’amitié, de l’amour, des rires et des larmes, des déclarations enflammées, des chagrins, des idées folles. Un parfum de moi, qui restera encore un petit peu dans cette ville que j’ai tant détesté, qui m’a tant apporté et que je ne souhaite plus vraiment quitter.
J’en respire les pavés mouillés, j’erre au hasard dans ces rues dont mes pieds connaissent les moindres aspérités.
Ce soir, j’ai cette Nostalgie de l’Adieu qui jette un voile de beauté et de poésie sur ce qui m’entoure.

 

Cartons1

« Il y a de ces moments qui ont un impact tel qu’ils ont sur notre vie des répercussions bien plus puissantes que ce qu’on aurait pu imaginer, qui éjectent des particules qui entrent en collision avec d’autres et qui les soudent encore plus qu’avant… Tandis qu’ils en déplacent d’autres qui deviennent les sédiments d’une grande aventure et qui en font atterrir certaines, là où on ne l’aurait jamais cru.
Vous voyez, c’est ça qu’il y a avec ces moment-là… On a, même si on le veut très fort, aucun contrôle sur la façon dont ils vont affecter notre vie. On doit laisser les particules qui se sont heurtées se poser là où elles le doivent et attendre jusqu’à la prochaine collision… »

The Vow (2012)